Mettre les outils visuels au service de tous, le moteur de Philippe Boukobza

Temps de lecture : 7 minutes

Comment expliquer mon métier à un enfant de 10 ans ?

Mon métier, c’est aider les gens à :

• rendre les choses intéressantes et agréables, même quand c’est compliqué, grâce à tout ce qui est visuel (les dessins, les cartes…) ;
• faire les choses un peu différemment grâce aux outils visuels, pour mieux apprendre, pour mieux travailler, et pour y prendre du plaisir.

C’est simple, accessible. La finalité, ce n’est pas le dessin, c’est que ça aide à faire des choses.
Donc, soit je forme des personnes, soit j’aide à réaliser des choses visuelles.
Et j’aime par-dessus tout quand une personne, qui ne se croyait pas capable, se rend compte qu’en fait, elle est capable ! Ce qui me plaît le plus : c’est faire émerger la capacité à utiliser des outils visuels.

Il y a un concept de la Pensée Design qui s’appelle la confiance créative. Moi, je n’ai rien créé dans tout ce qui existe. Simplement : je mets en forme et je transmets.
Et je fais de la veille pour actualiser les formations 😊

Portrait de Philippe Boukobza par Karim Rahou

Quand on est facilitateur interne, on connaît à fond les problématiques du métier.

Quand on est extérieur, on peut apporter un autre regard, et une expérience de tout ce qui se passe ailleurs. On peut apporter des choses qu’une entreprise n’avait pas du tout imaginé.

J’ai été enseignant.
J’ai fait une licence de sociologie et, pendant mes études, je faisais des remplacements dans le 93. Là, j’ai vu des situations très difficiles et j’ai vu des gamins incroyables. Ça m’a donné envie de faire de la pédagogie.
Après ma maîtrise et mon DEA en sociologie, j’ai passé un concours, et j’ai commencé à enseigner en 1993. C’est là que j’ai appris les principes clés de la pédagogie, à Saint-Denis, avec des élèves qui m’ont apporté plein d’énergie.

Après ça, quand je suis parti en Espagne, j’ai commencé à travailler avec des adultes. J’utilisais des outils comme le blog, pour faire cours à ces adultes. Et un chasseur de têtes m’a contacté en me disant : « Je trouve super ce que tu fais dans tes cours de Français Langue Étrangère, est-ce que tu pourrais monter un module de formation pour des managers, pour qu’ils apprennent les principes de Web2 ? ». Donc j’ai commencé, pour ce cabinet de consultants, à donner des cours de Web2 à des managers qui étaient en train de changer de travail. Ça a pris un peu d’ampleur et j’ai commencé à le délivrer ce module de formation dans des entreprises. J’ai ajouté les outils 2.0 à la pédagogie pure et j’ai monté un blog qui m’a fait connaître.

Je m’intéressais de plus en plus au visuel et, à un moment donné, la proportion de visuel est devenue dominante. Donc je me suis dit : « J’arrête tout ce qui est Web2 et je fais de la formation au visuel. Je me suis formé à l’EFH, qui m’a permis de rencontrer pleins de gens hyper intéressants, qui venaient de partout pour échanger. Donc ça m’a permis de développer le visuel, avec le mind mapping comme porte d’entrée.

Après, j’ai fait un bout de chemin, avec des outils visuels comme le sketchnoting, les présentations design, le storyboard simple, les modèles utilisés pour la facilitation, etc.
(Je m’inspire aussi des “cousins”, comme le Legal design…)

Aujourd’hui, j’essaie d’actualiser tout ça, et de voir comment utiliser à la fois des outils « papier-crayon » et des outils numériques. Le numérique peut être une porte d’entrée vers le visuel pour certaines personnes, comme les élèves dyspraxiques, par exemple. Je m’intéresse au « low tech ». C’est hyper important de rendre les choses faisables, même sans moyens techniques. En Inde, ils apprennent la carte mentale sur le sol, avec des craies.

Pendant le COVID, avec le travail hybride, il y a eu une grosse demande de personnes qui voulaient disposer d’outils numériques pour collaborer, pour modéliser, etc. Et là, ça a été l’explosion pour des outils comme Canva, Mural, Miro, Klaxoon. Je me suis dit que les personnes derrière ces outils étaient des moteurs, qu’elles apportaient des idées, pour le visuel.

J’avais du mal à m’y retrouver dans tous mes outils. Alors je me suis créé un répertoire. D’abord, c’était une grosse mind map.
On s’y est mis à plusieurs. On a créé des catégories. Et après, on a créé un site web collaboratif : outils-visuels.fr, pour s’y retrouver. Les premiers utilisateurs, c’est nous ! Quand un nouvel outil arrive, on va voir s’il est meilleur que ceux qui existent déjà.

J’aime découvrir de nouveaux outils : ça m’intéresse et j’aime quand ça peut aider ! C’est donc un site dédié au grand public.
On a quand même décidé qu’on s’arrêterait à 500 outils 😉 sur outils-visuels.fr !

La graphicacy, c’est capacité à interpréter et à créer des choses visuelles (croquis, diagrammes, cartes, graphiques, etc.).

Les plus jeunes ont déjà une certaine culture. Ils savent décoder et produire des visuels. Je pense au street art, qui est une boîte à idée incroyable, pour le lettrage ! Dans mon carnet, j’essaie d’imiter des lettrages que je vois dans la rue.
Je pense aussi à ceux qui se sont lancés dans les studygrams. (Si vous ne connaissez pas les studygrams, KUSUDAMA vous conseille cette vidéo Brut.)

Et, quand je vois la place que prend la vidéo dans leur culture, ça me donne des idées pour imaginer des sketchnotes qui pourraient être des objets interactifs, des univers virtuels, plus ludiques. N’oublions pas que les grands précurseurs des méthodes de mémorisation, ce sont les palais de mémoire ! Avec la méthode des loci, ce sont de véritables palais virtuels qui permettent de récupérer dans la mémoire beaucoup d’informations, de manière précise.

J’aime transmettre grâce aux formations, grâce aux blogs.
J’aime garder le contact avec les personnes que j’ai formées. On forme une communauté de pratiques.

J’aimerais bien créer des petits événements sympas, où on apprendrait des choses et on échangerait. On y retrouverait à la fois des éditeurs et des utilisateurs.
Donc je cherche aussi à tisser des liens avec des éditeurs d’outils visuels 🙂