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Temps de lecture : 8 minutes

Certains producteurs de science savent être pédagogues. Mais parfois, entre le public et la science, il faut absolument une passerelle. C’est là que je me positionne. 

J’avais envie que le grand public ait accès aux avancées de la science.

« Ensemble, facilitons les sciences ! », c’est la baseline que j’ai choisie pour Akenium.

La facilitation graphique, ce n’est pas juste faire des petits dessins. L’effet waouh ne suffit pas. Il faut qu’il y ait une valeur ajoutée, que les messages clés passent auprès de l’audience. Quand je me suis lancé là-dedans, ce n’était pas du tout ma volonté de privilégier la dimension artistique.

D’ailleurs, au départ, je voulais traduire et décoder un certain nombre de choses, mais pas forcément en utilisant le graphisme.

Je fais aussi de la médiation scientifique. Je fais des ateliers grand public et enfants, pour expliquer tout un tas de choses, sur une thématique. J’aime bien ça : transmettre.
Dans les sciences, je suis plutôt de la famille des passeurs de science. Il y a les producteurs de science et il y a les passeurs de science. Certains producteurs de science savent être pédagogues. Mais parfois, entre le public et la science, il faut absolument une passerelle. C’est là que je me positionne.

J’anime des tables rondes aussi. Je travaille les sujets, je pose les questions, je reformule… en gardant toujours en tête qu’il y a un public.

Une alternance de pics et de phases de calme

 

La diversité des sujets est un moteur pour moi. Je fais des choses très diversifiées. J’ai toujours une dizaine de projets en parallèle. Mon planning, c’est comme Tetris !

La science reste mon terrain de jeu préféré. Je connais les codes. J’ai travaillé récemment, en direct, en anglais, sur des sujets très pointus. C’est difficile mais j’aime car ça m’enrichit : ça m’apporte des connaissances. Je travaille avec différentes personnalités, différents labos de recherche.
Je me prépare à l’avance, bien sûr !

Je travaille de chez moi pour mes dessins, mes recherches, des essais, des échanges, etc.
Après je me déplace sur le terrain, un peu partout en France pour des événements en direct.

J’aime bien l’alternance de pics (ça envoie : c’est du direct) et de phases de calme. Parce qu’il faut aussi se ressourcer, sortir, s’alimenter, pour continuer à se montrer créatifs.

Je fais des infographies dessinées. Ça, c’est de l’asynchrone.
Je fais aussi des vidéos, avec toutes les étapes, les retours clients, etc.
J’aime beaucoup le mode projet : il y a un début, une fin. Et après on passe à autre chose. C’est mon côté rigoureux !

Facilitation graphique & processus de travail 

 

Je ne fais pas vraiment du mind mapping mais j’ai parfois dans ma tête un schéma en réseau.

Quand je suis en direct, il faut que ça percute. J’écris les mots. Je fais des traits pour dire : « Ça, ça va partir de là… à là. Cette idée, elle est connectée à celle-ci. ». Et je ne dessine pas tout de suite en fait. Je m’occupe d’abord de la structure du contenu. Est-ce qu’il y a un plan séquentiel ? Est-ce que ça « éclate » ? Est-ce qu’il y a des digressions, des infos supplémentaires, des bonus ?

Parfois, on me dit : « Nous, on aimerait bien voir ton dessin qui se réalise pendant que la personne parle. ». J’explique toujours qu’au tout début ça ne ressemble pas à grand-chose ! Parce que je commence toujours par travailler sur l’organisation des idées.
Et après :

  • Je vais illustrer.
  • Je vais faire un chemin pour aller d’une idée à l’autre.
  • Je vais planter un décor, un univers graphique, qui va coller avec le sujet et qui va embarquer les gens.

Quand je fais du scribing pendant des ateliers, ou durant des Comités de direction, pendant que les personnes réfléchissent à la définition de leur stratégie. Le visuel, on le crée ensemble. Les personnes disent quelque chose, je dessine et je demande dans la foulée : « C’est bien ça que vous voulez dire ? ». Et le visuel se construit petit à petit.

C’est vraiment puissant :

  • Ça apporte une dimension ludique pour les personnes qui sont autour de la table.
  • Ça facilite la convergence des idées.
  • On garde une trace de la réflexion.
  • Certains groupes exposent même le résultat pour le garder sous les yeux.

 

Quand je suis en asynchrone, le processus est un peu différent. Je vais d’abord dire : « OK, vous voulez parler de tel sujet. Moi, je travaille beaucoup sur les métaphores. Votre idée, ce serait plutôt cette métaphore-là. Donc la lecture va plutôt être de bas en haut. », etc. Donc je vais un peu orienter le client pour adopter une démarche : soit en plusieurs étapes, soit chronologique, soit hiérarchique… pour avoir de la cohérence. Et après, je vais récupérer les informations dont j’ai besoin pour alimenter le pattern.

Plus j’avance, plus je fais participer les clients à la réflexion. Cela permet d’obtenir quelque chose de plus percutant. En plus, les clients se l’approprient davantage. Et après, le visuel vit sa vie !

L’acquisition de la culture graphique

 

Pour ce qui est de l’aspect graphique, je cherchais plusieurs médias. Le dessin s’est un peu imposé. Je me suis souvenu que j’aimais bien dessiner. Je m’y suis remis. Je ne voulais pas faire de l’art. C’est pour ça que la facilitation graphique me convenait bien ! La base, ce sont les pictogrammes, les dessins simples, qui vont droit au but. C’est ça qui m’a plu.

J’ai rencontré d’autres personnes qui faisaient ça. Je me suis documenté, pour apprendre. Il y a 4 ans, j’ai d’ailleurs rencontré Mike Rohde, un des pères fondateurs de la facilitation graphique.
Il y a aussi des facilitateurs visuels que je suis, qui m’inspirent.
Et souvent, je prends des photos de visuels qui m’inspirent pour essayer de décoder ce qui fonctionne.

C’est comme ça que j’ai acquis une certaine culture graphique au fil de l’eau.

Je fais aussi des ateliers d’initiation à la facilitation graphique. J’en ai fait une série dans un IUT. Je fais des ateliers pratiques et j’essaie de distiller un peu de théorie. Donc je parle des pictogrammes et du design d’information. Comment flécher l’information pour que les gens s’y retrouvent ? Et le côté esthétique vient dans un second temps seulement.

Après, comment avoir une patte ? Il y a des personnes qui me disent : « Ah j’ai reconnu tes dessins ! ». Tant mieux ! Mais on cherche toujours son trait. C’est un travail de longue haleine. En plus, on s’adapte selon les projets.

Le motion design m’intéressait aussi. Je faisais des dessins : comment les faire bouger ? C’est une curiosité personnelle. J’ai testé des logiciels. J’utilise VideoScribe. À la base, ce logiciel était fait pour imiter un tableau blanc. Il y avait même une main artificielle qui dessine. Aujourd’hui, j’utilise assez peu l’aspect tableau blanc, ou seulement sur des séquences courtes. Je m’amuse bien à faire ces vidéos !

La base, ce sont les pictogrammes, les dessins simples, qui vont droit au but. 

Portrait de Guillaume Monnain par Karim Rahou

Deux des sources d’inspiration de Guillaume :

  • Étienne Appert (2018). Penser, dessiner, révéler ! Toutes les méthodes pour accompagner les idées, les équipes et la vie par le dessin, Eyrolles.
  • Scriberia

L’impact réel des visuels

 

Je m’intéresse aussi à la psychologie cognitive. C’est encore mon côté scientifique !
Les visuels ont de l’impact. Mais pourquoi ça marche ? Qu’est-ce qui se passe derrière ?

Parce que, souvent, des gens disent : « Moi, je suis visuel ! ». Ça, je le bats en brèche. J’ai même réalisé une vidéo à ce sujet. Je fais partie d’une association qui s’appelle le Café des Sciences. De temps en temps, il y a des événements, des collaborations qui se font. Pour cette vidéo, j’ai travaillé à partir du podcast d’un docteur en neurosciences, Christophe Rodo. (Il a un blog et un podcast). J’ai eu envie de mettre en image un épisode intitulé : « Neuromythe : les styles d’apprentissage. ».

J’ai déjà formé des gens, dans des laboratoires ou dans des entreprises, qui voulaient acquérir des compétences en facilitation graphique (sur papier ou avec un outil numérique). Après, ça dépend de ce qu’ils veulent en faire. Il faut quand même faire un pas de côté par rapport à certains contenus. Parce que les gens dans les organisations, ils vont avoir un peu le nez dans le guidon. Donc quand ils veulent communiquer, quand ils veulent partager, c’est bien de se demander comment les gens vont recevoir les messages.
Le fait d’être une personne extérieure apporte de la valeur. On agit un peu comme un poil à gratter ! Il n’y a pas un copier-coller direct d’un concept en dessin. Il y a un processus qui peut nécessiter des allers-retours. Le dessin agit comme un miroir. Il peut amener aussi à transformer une idée de départ.

On dit souvent que si on n’arrive pas à expliquer quelque chose à un enfant de 6 ans, c’est qu’on n’a pas compris soi-même toutes les nuances. Et quand on dessine quelque chose à quelqu’un qui vous explique, cela lui renvoie ce qui est compris par un récepteur. Parfois, il est surpris ! Donc il peut y avoir des allers-retours entre le fond et la forme. Les deux s’influencent, sont imbriqués.

Le dessin agit comme un miroir. 

Curieux du travail de Guillaume ?

  • Son post sur la conférence scientifique “mid-term” du programme franco-allemand MOPGA ;
  • Son post sur son intervention lors de la journée d’étude interdisciplinaire Sorbonne Actuelle ;
  • Son post sur les planches réalisées à l’occasion d’un congrès scientifique international organisé par l’Institut Cochin ;
  • Son portfolio !

Merci beaucoup pour cette interview, Guillaume ! 😊

Johanna Boulanger-Laforge

Co-fondatrice de KUSUDAMA & docteure en sciences de l'éducation, Johanna est passionnée par la pédagogie et les apports des sciences cognitives.