Crédit photo : Mathilde Ammar
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Mon parcours en bref
Les génériques de films, c’est vraiment une grosse partie de ma carrière, de 2003 à 2015. J’en ai fait en France, et principalement aux États-Unis et Canada, aux côtés de réalisateurs français et américains, de Cédric Klapisch à Guillermo del Toro.
J’ai travaillé sur plus d’une cinquantaine de films et de séries.
J’ai aussi donné des cours aux Gobelins pendant pas mal d’années.
En 2015, j’ai créé Motion Plus Design, qui est un festival international dédié à l’Art du Motion Design. On y invite des grands motion designers à venir parler de leur travail. Le festival a lieu à Paris, Tokyo et Los Angeles. En ce moment, on prépare Tokyo (en juin).
Dans les speakers, on a eu de grands artistes comme Beeple (3 fois !), Pak, Woodkid, Karine Fong, Étienne Robial, Kyle Cooper, etc.
Motion Plus Design, c’est une association loi de 1901. Sur notre site, tout est partagé. Donc toutes les conférences qu’on fait, on les partage gratuitement quelques mois plus tard.
Sur le site, il y a aussi une carte interactive pour trouver n’importe quelle école de motion design dans le monde. Et il y a un hub de contenus en 8 langues, avec des tutorials qu’on ne crée pas nous-mêmes, mais qu’on a trouvé intéressants et vers lesquels on renvoie.
Depuis 2017, il y a une partie curation qui est arrivée, avec des cartes blanches accordées à des artistes. Et on a aussi fait deux collections de NFT, avec 40 artistes, en 2021.
De rencontre en rencontre…
Après le bac, je me suis retrouvé dans une filière scientifique car j’avais eu de bonnes notes en sciences, mais je n’avais pas envie de faire ça. J’ai arrêté au bout de deux mois.
L’été précédent, un ami devait créer un site internet pour quelqu’un. Il m’a demandé de me former à Photoshop. Je m’y suis mis, et ça m’a plu de faire ça.
Les sites commençaient à se créer à ce moment-là (en 1998).
Là, ma mère m’a demandé de faire le site internet de sa boîte. Ça m’a permis de financer mon loyer quelques mois. J’ai appris le HTML1 avec le bouquin « pour les nuls ». J’ai appris comme j’ai pu.
Et après ça, j’ai encore fait quelques sites internet.
Dès que j’ai mis suffisamment d’argent de côté, j’ai acheté une caméra.
Avec cette caméra, j’ai filmé des pièces de théâtre, pour gagner un peu de sous. J’allais voir les gens et je leur disais : « Je peux filmer votre spectacle. ». Mais je n’avais qu’une caméra… Donc je faisais ça en 2 soirs, avec mon ami et associé Giovanni. On faisait un axe un soir, un autre axe le soir suivant. Giovanni avait les dialogues donc il savait comment on devait faire chaque plan. Il me chuchotait : « Plan serré ! », pour que je change de valeur de plan…
Et, un jour, j’ai tourné en 16:9. À l’époque, les images étaient en 4:3. Donc quand tu tournais en 16:9, ça te faisait une image anamorphosée, étirée. Du coup, il fallait remettre l’image dans le bon format. On m’a dit que, pour ça, il fallait aller sur After effects. J’y suis allé. J’ai réussi à faire une sortie. Mais il y avait des bugs, sur certains mouvements : des problèmes d’entrelacement. J’ai passé deux mois à essayer de régler ce problème technique ! Ça paraît dingue aujourd’hui mais, à l’époque, il n’y avait que très peu de forums… et c’est comme ça que j’ai appris les bases d’After effects. Comme je ne trouvais pas la solution à mon problème, j’ai contacté la personne qui m’avait vendu la carte graphique. Il n’a pas trouvé non plus. Donc il m’a donné le contact de Frédéric Frankel, qui travaillait à TF1, en me disant : « Lui, il connaît : appelle-le ! ». Il n’a pas trouvé non plus, mais on est restés en contact.
Finalement, quelques mois plus tard, j’ai reçu un nouveau codec… qui réglait le problème !
Une fois, Frédéric m’a demandé de le remplacer sur un salon, pour Atreid. Je me suis retrouvé à faire une démo de Première… et c’est là que j’ai rencontré James Simon.
C’était en 2000. Il m’a proposé d’animer des formations à Première, dans un centre de formation (IPECI) qui avait un accord avec une carte graphique. Quand tu achetais une carte graphique, tu avais une journée de formation gratuite dans cette école.
Et qui achetait ces cartes graphiques ? Des retraités ! Le défi était énorme : en une journée, je devais former des retraités qui ne connaissaient rien à l’informatique. À la fin de la journée, ils devaient savoir : faire un montage et exporter le montage.
J’avais 20 ans. Je m’étais acheté un costume et une cravate ! Je m’étais énormément préparé : j’ai passé des jours à essayer de tout prévoir. Et en fait, ça s’est très bien passé. J’avais une bonne pédagogie, je pense : j’y allais très progressivement et je ne les lâchais jamais. Donc ça a beaucoup plu au centre de formation !
Après, quand James a fondé Vidéo Design, j’ai repris les cours d’After qu’il donnait.
J’ai donné des cours comme ça dans plusieurs endroits.
Et puis, Frédéric Frankel m’a fait travailler chez TF1.
Une autre relation (Batmanu, le créateur de nombreux génériques) m’a aussi fait travailler aux bandes-annonces de TF1, pendant quelques années, en tant qu’intermittent.
Kook Ewo, fondateur de Motion Plus Design / Crédit photo : Tristan Chapuis
Et puis, pendant une formation, l’une de mes “élèves” était Paola Boileau, qui est devenue mon mentor, graphiquement. Elle allait travailler pour une collection de films asiatiques (HK VIDEO), qui était dirigée par Christophe Gans. Au début, Paola voulait se former pour pouvoir faire des interfaces de DVD (de l’habillage). Et on s’est tellement bien entendus qu’elle m’a dit : « Viens lancer la collection avec moi ! ». Donc je suis devenu graphiste comme ça. Graphiquement, Paola m’a vraiment tout appris.
J’ai fait une cinquantaine de DVD avec elle et j’ai appris le montage à mesure des nouveaux menus DVD.
En plus, je voyais régulièrement Christophe Gans. Il m’a alors proposé de travailler avec lui sur Silent Hill.
Donc je me retrouve, à 25 ans, au Canada. Et il me donne de plus en plus de choses à faire. Vers la fin du tournage, un soir, je lui dis : « Moi, mon rêve, c’est de faire ton générique. ». Il m’a dit : « Vas‑y : fais-moi une proposition ! ». Le lendemain, je me suis mis sur After. C’était incroyable à faire ! Et quand tu as 25 ans et que tu fais un truc pour Hollywood : un blockbuster, en anglais… ça ouvre plein de portes (dont la collaboration avec Guillermo del Toro).
J’ai fait des films, des séries et, finalement, beaucoup de documentaires, dont RBG (2018).
Comment est né Motion Plus Design ?
En fait, quand je faisais des génériques, ça touchait les gens au cinéma, en live. Mais j’avais quand même une frustration : j’avais l’impression d’être dans mon coin, de manquer de rencontres. Je n’avais pas de retour humain. Alors que quand je donnais des cours aux Gobelins, j’avais un retour qui était énorme.
En plus, je sentais bien qu’il y avait un manque au niveau du motion. Au début, je voulais créer un lieu physique dédié au motion. Donc j’ai écrit un petit livret d’une quarantaine de pages, qui expliquait comment j’imaginais ce musée (je l’ai édité sur mes fonds propres).
Et en voulant définir le projet lui-même, j’ai fait un montage où j’ai pris pleins d’exemples de motion design, pour expliquer ce que c’était. Quand on a lancé ce film, il a eu beaucoup de succès : il donnait une définition à peu près claire du motion design. Il a été traduit dans 13 langues.
(Note de KUSUDAMA : Laure Chapalain nous en avait d’ailleurs parlé, lorsque nous l’avions interviewée !)
Donc ça, ça a été le début de Motion Plus Design, parce qu’on s’est dit : « Il y a quand même des gens qui nous écoutent ! ».
On m’a conseillé de faire un événement autour du motion. Je n’en avais pas envie, au début. Mais on s’est lancé quand même (avec Ronan Guitton, qui m’a rejoint entre-temps) et on a fait le premier à la Gaîté Lyrique. En voyant qu’il y avait plein de monde, que c’était plein d’énergie, que les gens étaient hyper contents, ça a vraiment redonné du sens à ce projet pour nous.
Le truc le plus cool du monde
Je continue à produire du motion (avec GMK Productions), mais je confie le plus souvent la réalisation à d’autres, à Ronan Guitton notamment.
Aujourd’hui, l’équipe de Motion Plus Design a grandi ! Je ne vais pas citer tout le monde mais il y a Ronan Guitton, qui gère les événements, Michaël Couzigou (qui gère l’Atelier des Lumières, à Paris) qui est devenu vice-président, Yu Hu qui gère les événements satellites…
En fait, c’est une vraie chance pour moi de pouvoir voyager, de rencontrer d’autres gens, d’autres cultures, tout le temps, grâce à Motion Plus Design. Pour moi, ça, c’est le truc le plus cool du monde en fait ! C’est vraiment ce qui me manquait. Quand je vais au Japon, je suis toujours émerveillé comme un gamin.
Merci beaucoup de nous avoir raconté ton parcours, Kook.
Nous te souhaitons pleins de belles rencontres à venir, avec Motion Plus Design !